Gestion de patrimoine : les bonnes décisions face à la crise

Les épargnants sont eux aussi confrontés à une situation inédite où les repères volent en éclat. Préserver son patrimoine est une priorité, mais il faut éviter les décisions précipitées qui pourraient s’avérer contre-productives. Les conseils de gérants de patrimoine pour le court, moyen et long terme.

Par Marie-Christine Sonkin – Publié le 25/03/2020 – Mis à jour le 27/03/2020

« Garder son sang-froid ! » C’est le premier conseil de Stéphanie Allory, directrice de l’offre financière de l’UFF. Un conseil qu’il n’est pas forcément facile de suivre vu les montagnes russes des marchés financiers et les doutes qui se profilent sur la plupart des classes d’actifs .

Les épargnants qui bénéficient de l’expertise de gérants de patrimoine doivent normalement se trouver à la tête d’un patrimoine diversifié. « En outre, souligne-t-elle, même dans la poche valeurs mobilières on trouve à la fois des actions, des obligations et des produits structurés. » Les pertes subies par les épargnants ne sont donc pas les mêmes que celle du Cac 40. Il faut donc relativiser même si, comme le constate Valérie Bentz, responsable des études patrimoniales de l’UFF, « il est très désagréable de voir les marchés dévisser ; mais un épargnant qui a entre quarante ans et cinquante ans à une quinzaine d’années de la retraite et qui n’a pas besoin de cet argent n’a pas beaucoup de raisons de s’inquiéter. Ce n’est pas pareil s’il est à six mois ou un an de la retraite, mais logiquement, cette échéance a été prise en compte et son allocation d’actifs a été modifiée en conséquence ».

Que faire à court terme ?

Pour Xavier de Champsavin, directeur général adjoint de Pictet Wealth Management, « il est d’abord essentiel d’écouter les conseils sanitaires des autorités pour éviter que la crise ne dure trop longtemps. Aujourd’hui, ce n’est pas le virus qui impacte l’économie, mais les mesures qui sont prises pour en limiter la propagation ». Pour lui, bien que la crise soit plus violente que celle de 2002, 2008 ou 2011, il faut garder la tête froide… Ce qui n’empêche pas d’agir. « Il faut se recentrer sur les actifs de qualité. Par exemple, sur la classe d’actif obligataire, éviter les titres peu liquides, mal notés, les sociétés cycliques (puisque le cycle ralentit) qui ont une part de frais variables trop faibles pour s’adapter au contexte. »

Meyer Azogui, président de Cyrus Conseil, recommande en tout cas de ne pas prendre de décisions radicales. « La crise n’est pas terminée. Il faut éviter deux types de réactions : celle qui consiste à dire je vends tout et, à l’inverse, celle qui consisterait à investir à tout va en voyant que certains titres valent aujourd’hui moins que leur actif net ou leur trésorerie. Il faut laisser passer un peu de temps… » Mais ça ne veut pas dire qu’il ne faut pas procéder à des arbitrages. Meyer Azogui estime qu’il faut dès aujourd’hui se procurer des liquidités pour profiter des futures opportunités. Comment ? En soldant des positions sur des actifs qui ont pour l’instant peu souffert de la crise comme des fonds obligataires ou des fonds prudents. En ces périodes troublées « cash is king », affirme-t-il.

Certes, nous traversons aujourd’hui une crise boursière, mais pour Stéphanie Allory, « celle-ci est ponctuelle. Dès que nous aurons plus de visibilité sur la pandémie, les investisseurs reprendront pied sur des analyses plus classiques ». Les plans de soutien des banques centrales devraient être assez puissants pour soutenir les économies. Pour elle, vendre aujourd’hui pour se placer sur des actifs réputés moins risqués serait un mauvais conseil. Par ailleurs, il faut faire attention à l’impact fiscal et civil de décisions qui peuvent être prises lorsque les actifs sont placés dans des enveloppes type assurance-vie, PEA, etc.

Côté immobilier, selon Valérie Bentz, une inquiétude excessive, n’est pas non plus justifiée . « Les épargnants qui ont fait, par exemple, une opération en loi Pinel ne devraient pas subir d’impayés si leurs locataires sont salariés ou fonctionnaires vu les mesures mises en place par le gouvernement. »

Sur le plan pratique, on peut profiter de cette période de confinement pour faire un état de son patrimoine, conseille Meyer Azogui. « C’est aussi l’occasion de se pencher sur son contrat de mariage ou la clause bénéficiaire de son contrat d’assurance-vie. »

A surveiller à moyen terme

« Les marchés actions vont présenter des points d’entrée, mais il sera plus que jamais pertinent de mettre en place les versements programmés », estime Stéphanie Allory. Si les actifs les plus risqués comme les actions présenteront des opportunités, il faudra aussi éviter des erreurs « comme celle qui consisterait à acheter les titres qui ont le plus baissé. Les actifs de bonne qualité, ceux qui auront relativement le mieux résisté, seront les premiers à repartir à la hausse », met en garde Xavier de Champsavin.

« En schématisant, il existe trois grandes classes d’actifs, résume Meyer Azogui : les actions qui ont corrigé, les obligations qui n’ont pas beaucoup souffert – mais devraient pâtir de la crise économique et des défauts de paiement qui en découleront – et l’immobilier. Ce dernier actif peut aussi être impacté dans un deuxième temps si les taux montent et que les crédits sont distribués de façon plus parcimonieuse, mais il apparaît comme relativement résilient. » Dès lors, selon lui, le premier actif sur lequel il faudra revenir sera les actions, « il faudra alors être très réactif et réagir comme un institutionnel car les baisses ont été très brutales et les hausses peuvent l’être aussi ». Il lui paraît donc pertinent de confier ses fonds à des professionnels.

Autre classe d’actif à surveiller pour le patron de Cyrus Conseil, le private equity. Pour lui, le millésime 2021 devrait être bon car les actifs seront achetés à des prix bien inférieurs à ceux des années précédentes. Attention en revanche aux fonds obligataires « corporate ». Le marché du crédit aux entreprises est désormais sous tension et les spreads (différentiels de taux avec les emprunts d’Etat) devraient grimper au rythme de l’augmentation des taux de défaut.

Ce qu’il faut réorganiser pour le long terme

« Il faut toujours raisonner en termes d’objectifs et d’horizon de placement », rappelle Stéphanie Allory. Des recommandations de bon sens que la dernière crise nous oblige à redécouvrir. « La tempête actuelle est un véritable stress test pour son allocation d’actifs », observe Xavier de Champsavin.

Pour une bonne gestion de patrimoine, le principe est « de transformer ses objectifs personnels en allocation stratégique, explique Meyer Azogui. Les sources de volatilité ne vont pas manquer. La diversification ne suffira pas, il faudra aussi investir dans des actifs décorrélés. Aujourd’hui, le risque n’est pas rémunéré à sa juste valeur. Il y aura à nouveau du rendement pour les investisseurs qui prendront des risques », conclut le président de Cyrus Conseil.

Marie-Christine Sonkin 

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