À partir de ce vendredi 1er mars 2024, de nouvelles conditions pour prétendre au label ISR vont entrer en vigueur, interdisant notamment les fonds investissant dans le pétrole ou le gaz. Pourtant d’après une étude d’Epsor, 49 % des fonds déjà labellisés n’y seraient pas éligibles à nouveau.
Par Quentin ARTHUR – Publié le 29/02/2024
Il va vite falloir qu’ils se verdissent s’ils veulent à nouveau prétendre au label ISR. 49 % des fonds d’investissement actuellement détenteurs de ce label d’État ne pourraient pas l’obtenir à nouveau en tenant compte de ses nouveaux critères, qui entrent en vigueur ce vendredi 1er mars 2024. C’est ce que révèle une étude d’Epsor, start-up spécialisée dans l’épargne salariale.
Le label ISR, pour « Investissement socialement responsable » avait été créé en 2016 pour distinguer des fonds investissant dans des entreprises respectant des critères de durabilité : environnementaux, sociaux, et de gouvernance (ESG). Sauf que pour être éligibles, il suffisait que ces fonds référencés dans les unités de compte d’assurance-vie ou les plans d’épargne retraite ne respectent qu’un de ces critères ESG. Une entreprise comme TotalEnergies, réalisant le gros de son chiffre d’affaires dans les énergies fossiles mais étant très bien gouvernée, pouvait donc bénéficier de financements issus de fonds labellisés ISR.
Un label jusque-là trop permissif
« Ce label ISR était trop permissif et ne voulait pas dire grand-chose. Il avait un souci de crédibilité, sa refonte était nécessaire », considère Julien Niquet, dirigeant d’Epsor. Le ministre de l’Économie Bruno Le Maire l’avait bien compris : en novembre 2023, il a annoncé un durcissement des conditions d’obtention de l’ISR. « Toute entreprise ayant un nouveau projet dans les hydrocarbures, comme le pétrole ou le gaz, empêchera le fonds qui la porte de prétendre au label », expliquait-il.
Ces nouveaux critères entrent donc en vigueur dès le mois de mars 2024. Les nouveaux fonds demandant à être labellisés devront être en conformité, et ceux le possédant déjà vont devoir s’adapter progressivement. Pour elles, ces nouvelles règles s’imposent à partir du 1er janvier 2025, et en cas de renouvellement. Le label ISR étant accordé pour une durée de trois ans, d’éventuels fonds labellisés en fin d’année dernière auront donc jusqu’à fin 2027 pour se conformer.
Le chemin peut donc paraître long. À l’heure actuelle, 49 % des fonds labellisés n’obtiendraient pas le nouveau label ISR car investissant en 2023 dans au moins une entreprise en lien avec les activités d’extraction de pétrole et de gaz non conventionnels ou d’exploration pétrolière et gazière. C’est ce qu’affirme Epsor dans son étude, qui a analysé au total 861 fonds : 541 non labellisés, et 320 ISR (sur les 1 228 à fin 2023, contre 1 135 à fin 2022). « Nous avons mélangé les deux pour avoir un panorama le plus complet des fonds d’investissement et pour mieux les comparer. Afin de voir si un fond avec le label est nécessairement mieux qu’un sans label », justifie Julien Niquet.
88 % des fonds ISR investissent dans les énergies fossiles
Verdict : oui, parmi les 10 fonds les plus engagés pour la transition, neuf sont bien labellisés ISR. Mais dans le lot, certains sont moins vertueux que d’autres. Autre enseignement de l’étude : 88 % des fonds ISR étudiés investissent dans au moins une entreprise en lien avec le secteur des énergies fossiles. Y compris donc une partie des fonds qui sont pourtant en conformité avec le nouveau label ! Cela s’explique par le fait que certaines énergies fossiles n’en sont pas bannies.
Ce chiffre de 88 % préoccupe tout de même Julien Niquet de Epsor : « Sur les trois dernières années, le financement des énergies fossiles par le label ISR a augmenté puisqu’en 2021, c’était 80 % des fonds qui investissaient dans une entreprise liée au secteur des énergies fossiles. Cela ne va pas dans le sens de l’histoire ». Il y a tout de même une justification à cela. Après le début de la guerre en Ukraine, les secteurs les plus porteurs étaient l’énergie et le pétrole. Pour aller chercher de la performance, certains fonds ont donc dû remettre de telles entreprises dans leur portefeuille à partir de 2022.
15 milliards d’euros de financement contre le réchauffement climatique
Le dirigeant d’Epsor ne leur jette pas la pierre pour autant : « C’est toute la difficulté pour un acteur économique de ce type. Un fond est jugé à la fois pour sa performance, et sa durabilité. Mais à présent, il faut attendre de ces fonds ISR qu’ils se mettent en conformité ». L’enjeu est de taille. D’après l’étude, si l’ensemble des fonds analysés investissait de la même manière que les 25 meilleurs, ce sont 15 milliards d’euros de financement supplémentaire dans la lutte contre le réchauffement climatique qui pourraient être fléchés vers des entreprises plus engagées.
Julien Niquet se veut optimiste. « Il faut voir le verre à moitié plein, et se dire que 51 % des fonds sont déjà en règle. Pour les autres, ce sera progressif. Peut-être que certains l’abandonneront, que d’autres attendront la dernière minute pour se conformer. Mais je pense que la plupart iront chercher ce nouveau label carpour eux, il représente un important enjeu marketing », explique-t-il.
Les fonds d’investissement vont-ils jouer le jeu ? Cette étude faite par Epsor étant annuelle, il sera intéressant de regarder l’année prochaine, lors de sa prochaine édition, le nombre de fonds qui se seront mis à jour.