Si la fiscalité avantageuse de l’assurance-vie en fait un support d’épargne privilégié par les Français, ces derniers peuvent être déçus du rendement annuel de leur contrat. Comment y remédier ? Les bons arbitrages pour améliorer la performance de son assurance-vie.
Par Marie-Eve Frénay – Les Echos – Publié le 23/07/2024
Hébergeant près de 2.000 milliards d’euros, l’assurance-vie est un des supports d’épargne privilégiés des Français. A titre de comparaison, l’épargne réglementée (Livret A, PEL…) ne captait que 935,5 milliards d’euros à fin 2023 selon l’Observatoire de l’épargne réglementée de la Banque de France.
Parmi les facteurs qui amènent les épargnants à choisir l’assurance-vie figure évidemment la fiscalité avantageuse. En effet, après 8 ans, les détenteurs bénéficient chaque année d’un abattement d’impôt sur les 4.600 premiers euros d’intérêts et gains pour un célibataire et 9.200 euros pour un couple.
En revanche, s’agissant de la performance annuelle, les attentes des investisseurs peuvent être déçues, a fortiori depuis la remontée des taux d’intérêt qui a ouvert le champ des possibles en matière de placements, en atteste l’engouement récent pour les fonds obligataires datés . Néanmoins, en s’inscrivant dans un temps long et en choisissant les supports d’investissement adaptés, les assurés-vie peuvent améliorer leurs perspectives de gains, comme l’illustrent ces trois observations partagées le 17 juillet par le cabinet spécialisé dans l’assurance Facts & Figures.
1. Choisir les bons fonds actions
Très schématiquement, les détenteurs d’une assurance-vie ont le choix entre deux grands types de support : les fonds en euros qui concentrent 75 % des encours et les unités de compte (UC) qui captent 25 % de l’épargne investie en assurance-vie. Ce qui fait la force des fonds en euros est leur garantie en capital. Ils permettent ainsi d’investir sans risque de moins-value.
En contrepartie de cette sécurité, la rémunération est faible. En effet, avec un rendement annuel moyen net de frais de gestion de 1,89 % entre 2021 et 2023, selon Facts & Figures, le fonds en euros n’est pas parvenu ces dernières années à protéger l’épargne de l’inflation.
Sur un temps plus long, entre 2010 et 2023, « la performance moyenne des fonds en euros nets de frais et après 17,2 % de prélèvements sociaux se situe au niveau de l’inflation [+24,8 % en 13 ans pour les fonds en euros, contre +23,9 % pour l’inflation, NDLR]. Les unités de compte s’en sortent un peu mieux [+29,6 %, NDLR] avec une performance moyenne nette de frais de gestion de 6,72 % en 2023 », détaille Cyrille Chartier-Kastler, fondateur de Facts & Figures.
Ce rendement moyen des UC se révèle très hétérogène selon le type de fonds (actions, obligataires, mixtes, immobilier…) et volatil dans le temps. En 2022, suite à une année boursière difficile, le rendement moyen des UC était négatif, à -12,34 %. C’est pourquoi acheter des parts d’UC doit s’inscrire dans un temps long pour s’extraire de la volatilité à court terme. De plus, pour contrer les fluctuations, l’investissement en UC peut tout à fait s’articuler avec le fonds en euros. Ce dernier pouvant servir à sécuriser les gains, par exemple dans la perspective d’un prochain rachat de son contrat.
Face aux centaines d’UC éligibles, comment choisir ? Si le rendement sur un temps long est recherché, les UC investies en actions sont généralement associées à une meilleure espérance de gain. « Sur le long terme, il est plus intéressant d’investir dans des fonds actions au périmètre diversifié », met ainsi en évidence Cyrille Chartier-Kaslter, avec, ces dernières années, un avantage de rendement pour les supports investis dans les actions d’entreprises américaines.
Entre 2019 et 2023, les UC actions exposées aux grandes capitalisations états-uniennes ont bondi en moyenne de 14,41 % par an, contre 10,24 % pour les fonds présentant le même type de sous-jacent mais sans parti pris géographique, 8,56 % pour les fonds centrés sur les grandes entreprises françaises et 8,25 % pour les UC Europe grandes capitalisations.
2. Privilégier les mandats audacieux
Le choix par l’épargnant des fonds intégrés à son contrat peut rebuter les investisseurs néophytes ou n’ayant pas envie d’y consacrer du temps. C’est pourquoi à côté de la gestion libre, les distributeurs d’assurances-vie proposent de la gestion pilotée. Elle consiste à déléguer à un gérant le choix des supports conformément au profil de risque choisi par l’épargnant. Sauf contrats très haut de gamme, le professionnel ne s’occupe pas individuellement de l’épargne de l’assuré-vie mais regroupe et gère collectivement tous les contrats ayant opté pour le même mandat.
Pratique pour l’investisseur, cette gestion déléguée occasionne en revanche des frais supplémentaires destinés à rémunérer le gestionnaire, de l’ordre de 1 à 2 % par an. Cela signifie que, pour servir une performance positive pour l’épargnant, le gérant doit déjà au moins dégager un rendement supérieur au coût de la gestion pilotée. D’où des performances parfois déceptives.
« Une fois défalqués les frais de gestion, la performance des gestions profilées prudentes [avec une part d’UC minime, entre 0 et 20 % du contrat, NDLR] est inférieure à celle du fonds en euros », déplore le porte-parole du cabinet Facts & Figures. En effet, entre 2021 et 2023, les gestions profilées prudentes ont rapporté en moyenne 1,14 % par an dans leur version classique (par opposition aux gestions intégrant un prisme environnemental ou sociétal), contre 1,89 % en moyenne annuelle pour le fonds en euros.
Les gestions profilées modérées ou équilibrées, comprenant un peu plus d’UC, ne font guère mieux avec un rendement annuel moyen respectif de 0,52 % et 1,40 % entre 2021 et 2023. A l’image de la gestion libre, « Il n’y a, à mon sens, que la vraie prise de risque qui peut payer sur un temps long », estime Cyrille Chartier-Kastler. Ainsi, en dépit d’une année 2022 très difficile pour les marchés actions, donc pour les UC actions, les gestions profilées audacieuses (comportant peu ou pas de fonds en euros) dégagent un rendement moyen de 2,49 % par an entre 2021 et 2023. Cela reste peu au regard des meilleures UC actions, sachant que cette performance moyenne cache de fortes disparités selon les contrats et les gérants .
3. Faire la chasse aux frais
En assurance-vie, les frais paraissent souvent opaques aux yeux des assurés, car ils viennent abaisser la performance servie sans être directement visibles. Cette opacité est renforcée par le fait qu’il existe différentes natures de frais : frais courants, rétrocessions aux distributeurs, commissions de surperformance…
« En 2024, nous remarquons une petite baisse des frais sur les fonds actions. Elle résulte d’une modération des frais courants, mais pas des rétrocessions », observe Cyrille Chartier-Kaslter. En pratique, les frais facturés par les gestionnaires des UC actions Europe grandes capitalisations sont passés en moyenne de 1,98 % en 2023 à 1,94 % en 2024. La diminution est également de 0,04 point pour les fonds actions internationales grandes capitalisations à 1,92 % en 2024. S’agissant des fonds axés sur les entreprises de petites et moyennes capitalisations françaises cotées en Bourse, les frais moyens des UC ont baissé de 0,06 point à 2,28 % en 2024.
En revanche, d’après Facts & Figures, la tendance est à la hausse des frais concernant les UC investies dans des actifs obligataires. Ces dernières restent toutefois moins onéreuses que les fonds actions. Ainsi, sur la catégorie Europe « high-yield » (le défaut de remboursement de l’émetteur est plus important que pour une obligation « investment grade »), la hausse des frais totaux atteint 0,04 point à 1,34 %. La progression la plus importante est constatée sur les obligations Europe court terme avec des frais totaux passant de 0,64 % en moyenne en 2023 à 0,74 % en 2024.
« Les hausses des frais sur les fonds obligataires s’expliquent par la commission de surperformance », analyse Cyrille Chartier-Kaslter. Aussi appelée commissions liées aux résultats, elle est prélevée par la société de gestion lorsque l’unité de compte dépasse les objectifs de performance préalablement fixés dans son prospectus. Or, avec la remontée des taux d’intérêt, générer du rendement en investissant dans des obligations émises en 2022 et 2023 a été facilité, d’où la possibilité accrue d’appliquer une commission de surperformance.
Ces lignes tarifaires, qui rognent les gains susceptibles d’être versés aux assurés-vie, sont indiquées dans des documentations qui doivent être portées à la connaissance de l’épargnant avant qu’il investisse. Il s’agit du prospectus du fonds et du document d’informations clés (DIC). Les informations ne sont pas toujours digestes pour un investisseur a fortiori néophyte, mais la comparaison de deux DIC associés à deux UC aux sous-jacents semblables peut permettre à l’épargnant d’arrêter son choix.