L’année 2023 a été marquée par la remontée des taux d’intérêt. Est-ce que ce nouvel environnement a bousculé les choix des épargnants ? Voici le nouveau classement des placements préférés des Français.
Par Marie-Eve Frénay – Publié le 04/05/2024 – Les Echos
Les épargnants sont-ils influencés par les aléas conjoncturels ? Dévoilée ce 4 juin, la 6e édition du « baromètre de l’épargne en France et en régions », réalisé par l’Ifop pour le courtier Altaprofits, répond plutôt par la négative (1). En effet, à quelques exceptions près, l’environnement économique (comme la hausse des taux d’intérêt), les réformes (comme celle des retraites) ou encore les crises géopolitiques qui peuvent agir sur l’inflation ne modifient qu’à la marge les comportements d’épargne des Français.
Résultat, depuis 4 ans, la proportion des sondés déclarant posséder au moins un produit d’épargne a très peu évolué, gravitant entre 83 % en avril 2020 et 85 % en avril 2024. De la même manière, le trio de tête des placements plébiscités par les Français est resté inchangé. A une écrasante majorité, les sondés détenant au moins un produit d’épargne indiquent avoir privilégié en 2023 les livrets réglementés comme le Livret A, le LDDS ou encore le Livret d’épargne populaire (LEP). Ils sont ainsi plus de 8 sur 10 à avoir fléché en priorité leur épargne vers ces livrets sans fiscalité.
Indétrônable Livret A
Il faut dire que dans un environnement incertain, marqué par la remontée des prix, les livrets réglementés ont joué le rôle de valeur refuge. L’an passé, à eux eux, le Livret A et le LDDS ont attiré une collecte record de près de 40 milliards d’euros. Un afflux massif exacerbé par la forte remontée de leur taux d’intérêt à 3 % au 1er février 2023, taux qui sera maintenu jusqu’en janvier 2025.
Il en va de même pour le LEP qui a vu ses encours bondir de près de 21 milliards d’euros en 2023. Cette progression s’explique par la réévaluation à 10.000 euros du plafond de versements au 1er octobre 2023, ainsi que par l’importante progression de sa rémunération. Le taux du LEP, accessible sous conditions de revenus, a en effet été porté à 6 % l’an passé. Depuis, il a été révisé à 5 % en répercussion du recul de l’inflation. Il devrait à nouveau baisser le 1er août prochain.
D’après le baromètre Ifop-Altaprofits, ce succès des livrets réglementés peut aussi s’expliquer par la montée en puissance d’un nouveau motif d’épargne apparu véritablement avec la pandémie de Covid-19. Il s’agit de la volonté de mettre de l’argent de côté pour « faire face à une éventuelle situation exceptionnelle », telle que la perte d’emploi ou le soutien à un proche, ce qui favorise l’épargne de précaution.
Ainsi, en août 2020, soit avant l’épidémie, seulement 23 % des sondés indiquaient épargner dans ce but en première ou seconde raison. En avril 2021, ce motif a bondi pour être cité par 38 % des Français. Depuis, cette proportion n’évolue guère. Cette année, elle est de 36 %. « La crise du Covid-19 a changé durablement l’état d’esprit des Français. Ils se disent qu’il faut se préparer à des situations exceptionnelles et non plus simplement à l’imprévu du quotidien », analysent les auteurs du baromètre.
Retour de l'assurance-vie
En deuxième position des placements privilégiés par les Français l’année dernière figure l’assurance-vie avec 29 % des suffrages. Ce score est bien plus bas que les livrets réglementés (81 %). Mais il ressort en progression de 3 points par rapport au baromètre précédent.
Une petite surprise car, en termes de collecte, l’assurance-vie a vécu une très petite année 2023, avec un flux net de 2,4 milliards d’euros, soit la « troisième plus faible collecte de l’assurance-vie depuis 1997 », relevait en février dernier le Cercle de l’Epargne. Toutefois, au moment de la réalisation de ce sondage en avril, la réponse des interrogés a pu être influencée par l’annonce des rendements 2023 des fonds en euros, supports stars de l’assurance-vie, intervenue début 2024. En moyenne, selon l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, le taux servi pour 2023 a été augmenté de 0,7 point par rapport à 2022.
D’ailleurs, depuis le début de l’année, l’assurance-vie renoue avec des chiffres de collecte records, à l’image des 3,5 milliards d’euros de flux net enregistrés en mars.
Pour Stellane Cohen, présidente d’Altaprofits, « les chiffres de collecte depuis début 2024 sont tirés par les offres promotionnelles des assureurs [les taux boostés ou taux minimum garantis sur les fonds en euros conditionnés à des nouveaux versements, NDLR]. Cela marque la volonté des assureurs de repositionner leur offre par rapport aux placements de court terme, comme les produits réglementés, qui ont attiré l’épargne des Français en 2023 », explique-t-elle.
Prime à la stabilité pour le PEA
Recueillant seulement 13 % des votes, le Plan d’épargne en actions (PEA) arrive à la 3e place des placements privilégiés. C’est peu au regard des deux premiers. Mais cela reste cohérent avec le fait que moins de 7 % des particuliers détenaient des actions en direct en 2023 selon la lettre de l’Observatoire de l’épargne de l’Autorité des marchés financiers.
Néanmoins, le baromètre de l’épargne en France et en régions de l’Ifop et Altaprofits témoigne d’une réelle stabilité du PEA dans les choix des épargnants. Déjà lors des deux précédentes éditions, en avril 2022 et 2023, le PEA arrivait en 3e position avec, également la préférence de 13 % des votants . De quoi, là encore, illustrer le fait que les Français prennent peu en compte l’environnement financier dans le choix de leur support d’investissement.
Le PER privilégié par 1 Français sur 10
Interrogés par l’Ifop sur les placements privilégiés en 2023, 10 % des sondés répondent avoir préféré le plan d’épargne retraite (PER). Lors de la précédente édition du baromètre, en 2023, 12 % des Français avaient choisi le PER, dont la commercialisation a débuté en octobre 2019
Le PER aurait-il déjà atteint son plafond de diffusion ? Pas si sûr, car la dynamique du PER reste en ce début 2024 favorable. Selon France Assureurs, sur le seul mois d’avril, les cotisations nettes des sorties sur les PER assurantiels s’élèvent à 671 millions d’euros, « en très nette hausse de +272 millions d’euros sur un an », souligne la fédération des assureurs.
Toutefois, il est peu probable que le PER rattrape l’assurance-vie. « Le PER sert à se préparer un revenu complémentaire au moment de la retraite. C’est un produit tunnel sur lequel on ne peut pas sortir avant la retraite sauf circonstances exceptionnelles », rappelle Stellane Cohen, présidente d’Altaprofits.
A l’inverse, l’assurance-vie est une enveloppe liquide donc dans laquelle l’épargnant peut plus facilement piocher pour financer ses projets durant sa vie active. « L’assurance-vie et le PER sont complémentaires. Ils apportent des réponses à des besoins différents », résume la porte-parole du courtier Altaprofits.