Le ministre de l’Economie a choisi vendredi d’abaisser le taux du Livret d’épargne populaire (LEP) de 5% à 4%, et de maintenir celui du Livret A à 3%. Il suit ainsi les recommandations du gouverneur de la Banque de France.
Par Krystèle Tachdjian – Publié le 12/07/2024 – Les Echos
Le gouverneur de la Banque de France s’est certainement hâté avant que Bruno Le Maire, sur le départ, ne quitte ses fonctions. François Villeroy de Galhau a proposé ce vendredi 12 juillet au ministre de l’Economie d’abaisser le taux du Livret d’épargne populaire (LEP) de 5% à 4%, et a estimé «justifié» le maintien de celui du Livret A à 3%. Sa préconisation était attendue d’ici au 15 juillet. Bruno Le Maire s’est empressé de lui emboîter le pas, en indiquant suivre ses recommandations.
«Le ministre a décidé, en lien avec le gouverneur de la Banque de France, de fixer le taux du LEP à 4%» à partir du 1er août, a indiqué Bercy. Le taux du Livret A et celui du Livret de développement durable et solidaire (LDDS) «restent à 3% jusqu’au 1er février 2025», a ajouté le ministère.
Quelques minutes plus tôt la Banque de France avait ouvert la voie. «Je propose de fixer le taux du LEP à 4%, soit nettement au-dessus de la formule (de calcul théorique, NDLR) qui donnerait 3,6%, et très au-dessus de l’inflation», a écrit François Villeroy de Galhau dans une lettre adressée à Bruno Le Maire.
«Gain de pouvoir d'achat»
«Cela donnerait un gain supplémentaire de pouvoir d’achat à l’épargne populaire et maintiendrait la capacité d’attrait de cet instrument auprès des Français éligibles non encore détenteurs de LEP», ajoute le gouverneur dans son courrier.
Le gouvernement a gelé le taux du Livret A, à 3 % jusqu’au 31 janvier 2025, en dépit de l’inflation qui est prise en compte dans son calcul. Une décision validée par le Conseil d’Etat . « Logiquement, le taux du Livret A et du LDDS [NDLR : Livret de développement durable et solidaire] est censé rester stable jusqu’au 1er février 2025 compte tenu de l’engagement pris par Bruno Le Maire en 2023. Pour le moment, ce dernier restant en poste, il n’a pas vocation à renier son engagement. D’autant plus que la formule en vigueur aboutit à un taux de 3,08% », soulignait cette semaine Philippe Crevel, le directeur du Cercle de l’épargne.
« Le processus de fixation des taux est compliqué par les élections législatives du 30 juin et du 7 juillet », estime-t-il. S’il n’y a guère de suspense pour le Livret A , le champ semblait plus ouvert pour le Livret d’épargne populaire (LEP), réservé aux ménages modestes – dont le revenu fiscal de référence ne dépasse pas 22.419 euros pour un célibataire et 34.393 pour un couple, en métropole.
Le taux du LEP menacé
Plusieurs scénarios étaient envisagés pour le Livret d’épargne populaire (LEP). Fixée à 5 % la rémunération du LEP aurait pu en théorie perdre plus d’un point au 1er août 2024, en raison du recul de l’inflation.
Son rendement est calculé sur la base de l’inflation des six derniers mois, hors tabac. L’inflation a nettement reflué s’établissant à 2,1% sur un an en juin contre +4,5% un an plus tôt, indique la note de conjoncture de l’Insee.
Or, le taux du LEP est égal au chiffre le plus élevé, entre le taux du Livret A majoré d’un demi-point, et l’inflation.
Pour la fixation du taux applicable au 1er août 2024, c’est le taux du Livret A (plus favorable) qui devrait donc servir de référence.
La rémunération du LEP devait ainsi passer de 5 à environ 3,5 %. Bruno Le Maire pourrait certes quitter Bercy en ayant respecté avec orthodoxie la formule mathématique. Mais une telle mesure serait mal perçue au moment où la question du pouvoir d’achat des ménages est au coeur du débat public, pointait récemment Philippe Crevel. Le gouvernement pourrait donc choisir d’y déroger comme ce fut déjà le cas en février dernier. Alors que le taux aurait dû baisser de 6 à 4,4 %, il avait finalement été ramené à 5 %.
Les encours du LEP ont connu une forte croissance en 2022 et 2023, grâce à son taux, et au relèvement du plafond de 7.700 à 10.000 euros en octobre 2023. Mais ces effets semblent arriver à leur terme. En mai, pour le deuxième mois consécutif, le LEP a subi une décollecte de 40 millions d’euros, après 270 millions de retraits en avril. Les ménages les plus modestes semblent contraints de puiser dans leur épargne pour faire face à leurs dépenses courantes.