Avec plus de 1.900 milliards d’euros d’encours, l’assurance-vie reste le placement chouchou des Français. Il faut dire que cette enveloppe souvent qualifiée de « couteau suisse » des placements cumule les atouts dont beaucoup ont trait à une fiscalité favorable pour faire fructifier une épargne et pour transmettre hors succession.
Par Laurence Boccara – Les Echos – Publié le 16/04/2024
Gros atout de l’assurance-vie, l’épargne logée dans un contrat n’est pas fiscalisée, tout du moins tant qu’elle n’en sort pas à l’occasion d’un rachat partiel ou total. Cette enveloppe particulière permet de sanctuariser une somme placée, tout en ayant l’occasion de la faire fructifier au long cours. Et cette particularité est d’autant appréciable que ce placement ne dispose pas de plafond de versements et qu’il est possible de détenir autant de contrats que l’on souhaite.
« Multiplier les contrats est une bonne parade. Cela permet à l’épargnant de mutualiser le risque en cas d’une éventuelle fragilité de la solvabilité de l’assureur. C’est aussi une façon de jouer des contrats ayant des spécificités. Mais pas la peine non plus d’en avoir plus de trois ou quatre », conseille Hervé Tisserand, président du cabinet de courtage Asac-Fapès.
Pas de sortie, pas de fiscalité
L’épargne logée dans l’assurance-vie profite du simple et efficace jeu de la capitalisation. Cela rime avec le réinvestissement au sein de l’enveloppe des gains ou des dividendes encaissés, qui à leur tour génèrent des intérêts et ainsi de suite. Les souscripteurs peuvent, dans la plupart des contrats qui sont « multisupports », choisir et combiner un fonds en euros qui offre la sécurité du capital et un rendement moyen (ensemble du marché) de 2,60 % en 2023, ainsi que des unités de compte. Celles-ci ne garantissent pas le capital et affichent des niveaux de risque variables.
L’éventail de ces supports est large, allant de la détention de titres vifs aux ETF (fonds indiciels cotés) en passant par une grande variété de fonds (actions, obligations, fonds structurés, datés), du non-coté et de l’immobilier. Atout majeur : « les arbitrages réalisés au sein de cette enveloppe ne génèrent pas d’imposition. Aussi, les gains ne sont pas taxés tant qu’ils restent logés dans le contrat », précise Pascal Lavielle, responsable de l’ingénierie patrimoniale chez BNP Paribas Cardif. Grâce à des versements à la carte, cette enveloppe affiche une grande souplesse. Rien n’est bloqué, il est possible d’effectuer des rachats en cours de vie du placement et de bénéficier si besoin d’une avance.
En cas de récupération de l’épargne, seuls les gains seront taxés. Désormais (pour tous les contrats souscrits depuis 27 septembre 2017) les rachats effectués avant huit ans sont taxés à 12,8 % plus 17,2 % de prélèvements sociaux sur les unités de compte (pris chaque année sur les fonds en euros).
Après huit ans, la ponction est ramenée à 7,5 % plus les prélèvements sociaux (ou à 12,8 % si le montant de tous les contrats dépasse 150.000 euros). « Le titulaire bénéficie aussi d’un abattement annuel de 4.600 euros pour une personne seule, et 9.200 euros pour un couple marié », rappelle Edouard Michot, président et dirigeant de Lucya.
Puissant outil de transmission
Au décès du titulaire du contrat, l’assurance-vie s’impose comme un puissant outil de transmission. « Les sommes placées reviennent aux bénéficiaires désignés dans le contrat et ne font pas partie de la succession », souligne Edouard Michot. La fiscalité dépend de l’âge de l’assuré lors du versement de ses primes. Les versements réalisés avant 70 ans ouvrent droit à un abattement de 152.500 euros par bénéficiaire. Au-delà de cette somme, les capitaux sont taxés à 20 % jusqu’à 700.000 euros, et à 31,25 % ensuite.
Quant aux versements effectués après les 70 ans du titulaire, ils bénéficient d’un abattement moins généreux de 30.500 euros, quel que soit le nombre de bénéficiaires. Toutefois, les intérêts restent exonérés. A noter : la transmission au conjoint survivant est totalement exonérée des droits de succession.
« Cette règle permet ainsi de transmettre des sommes à des personnes de son choix, de sa famille ou sans lien de parenté, à condition de respecter les parts dévolues aux héritiers réservataires », précise Hervé Tisserant. C’est par exemple une bonne stratégie pour gratifier ou avantager un parent éloigné ou une personne de confiance. C’est dans ces cas de figure que l’économie fiscale s’avère la plus importante. A titre d’exemple : pour un neveu dont les droits de succession s’élèvent à 60 %, passer par l’assurance-vie permet d’adoucir la note.
Les plus du contrat de capitalisation
Proche de l’assurance-vie, le contrat de capitalisation offre quelques spécificités. Il peut ainsi être souscrit par une personne morale (société civile familiale ou holding patrimonial). S’il n’existe pas de clause bénéficiaire, le souscripteur du contrat de capitalisation peut donner la nue-propriété de son contrat et s’en réserver l’usufruit.
« C’est un outil complémentaire de l’assurance-vie. Cette stratégie judicieuse permet alors de limiter la facture fiscale », affirme Edouard Michot. Et dans certains cas (voir illustration), ce gain est substantiel. Au décès de l’usufruitier, le nu-propriétaire devient le seul titulaire du contrat, l’usufruit et la nue-propriété étant réunis en franchise de droits de succession.
Les atouts de la tontine
Cousine de l’assurance-vie, dont elle partage le régime fiscal (abattement sur les revenus de 4.600 euros ou 9.200 euros pour un couple après huit ans de détention), la tontine est un placement singulier parfaitement adapté à la préparation de la retraite.
Son principe est immuable depuis sa création au XVIIe siècle par le banquier Lorenzo Tonti. « Cela consiste à réunir des adhérents, au minimum 200 personnes. Tous investissent dans un ‘pot commun’ avec un horizon de placement librement choisi entre dix et vingt-cinq ans. La totalité des fonds est investie sans distribution (les gains sont réinvestis en totalité, sans supporter aucune fiscalité) ni sortie anticipée possible jusqu’au terme défini », résume Ségolène Roques, directrice de l’ingénierie patrimoniale du Groupe Le Conservateur.
Lorsque cette association tontinière est dissoute, son actif, majoré de l’épargne des adhérents éventuellement décédés, est alors intégralement réparti entre les investisseurs, qui en général récoltent les fruits d’une gestion diversifiée dans le temps. « Les générations de tontine débouclées au cours des trente dernières années ont généré des rendements supérieurs de 2 % à 4 % au-dessus de l’inflation », précise cette dernière.