Placements atypiques : vignes, forêts ou terres, le choix d’investir dans le terroir

Glisser du foncier rural dans son patrimoine permet de jouer la diversification et la décorrélation des marchés financiers. Avec la forêt, la vigne et les terres agricoles, l’investisseur table sur une valorisation de très long terme avec une fiscalité aménagée.

Par Laurence Boccara – Les Echos

Une forêt, des vignes ou des terres agricoles… Investir dans des actifs physiques en lien avec la nature et le terroir offre en outre deux atouts majeurs : décorréler son patrimoine des marchés financiers et bénéficier d’une fiscalité avantageuse (voir encadré). Détenus en direct, ces placements présentent souvent une dimension affective. ils sont aussi accessibles via des véhicules collectifs.

Le royaume de la forêt

A la fois capteur de CO2 et royaume de la biodiversité, la forêt a ses adeptes. « Ce marché d’investissement euphorique dès la fin de la crise sanitaire et jusqu’en 2022 commence à se calmer. En 2023, le volume des ventes s’est replié de 8,5 % », souligne Benoît Léchenault, directeur d’Agrifrance, un département de BNP Paribas Wealth Management spécialisé dans le foncier rural. Le prix moyen de l’hectare de forêt en France s’élève à 4.759 euros, en hausse de 5,23 % sur un an.

Ce montant moyen de l’hectare cache de grandes disparités selon les régions et les essences avec un hectare pouvant parfois atteindre jusqu’à 14.750 euros. « En plus d’une superficie suffisamment importante pour amortir les coûts d’entretien et d’exploitation, il est important de s’informer sur la nature du sol, les arbres (essences, âges, etc.) et sur la facilité d’accès de la parcelle », précise Matthieu Gombault, responsable des expertises Vins et Forêts chez SG Private Banking. Autre point de vigilance : les nouvelles menaces climatiques (tempêtes, incendies) et sanitaires (maladies) qui peuvent affecter à l’avenir la rentabilité de l’investissement.

Ces risques ne doivent pas être négligés d’autant qu’un massif forestier offre un rendement modeste qui tourne entre 1 et 2 % à la fois composé des revenus de la chasse et de la vente de bois. Mais cette dernière activité est en berne. Gros acheteur de ce matériau, le secteur de la construction en crise a fortement réduit sa demande et fait chuter les prix.

Pour ceux qui ne sont pas en mesure de débourser un ou plusieurs millions d’euros, « la forêt est accessible via des Groupements fonciers forestiers (GFF) ou des Groupements forestiers d’investissement (GFI) moyennant des tickets d’entrée qui démarrent à 1.000 euros », indique Jonathan Dhiver, président de MeilleureSCPI. com. Ces véhicules servent des rendements analogues à ceux de la détention directe avec l’avantage de disposer d’un portefeuille comprenant plusieurs massifs forestiers. Cette répartition géographique contribue à limiter les risques. « Les taux de distribution sont compris entre 0 et 1,8 % », précise MeilleureSCPI. com.

L'art de la vigne

Pour devenir propriétaire de vignes, il faut disposer d’un sérieux pactole. Le prix moyen d’un hectare en France s’élève à 153.500 euros, soit une progression annualisée de 3 % au cours des dix dernières années… avec de fortes disparités régionales. Alors que la Bourgogne et la Champagne sont les zones les plus chères, le Bordelais (hors Pomerol, Pauillac, Saint-Emilion, Saint-Estèphe, etc.) est au plus bas.

L’exploitation viticole est exposée à plusieurs aléas qui se sont aggravés ces dernières années. D’abord, le risque climatique (gel, grêle, etc.) et les maladies sont susceptibles de compromettre tout ou partie de la récolte annuelle. Ensuite, il existe un risque commercial lié à l’environnement économique et géopolitique (taxes sur les exportations).

Plus économique et moins aléatoire, une autre voie d’accès consiste à entrer dans un Groupement foncier viticole (GFV) dont la part unitaire va de 20.000 à 100.000 euros selon les dossiers. « Ce cercle regroupant quelques investisseurs (20 à 80) devient propriétaire d’une parcelle louée dix-huit ou vingt-cinq ans à un vigneron », précise Emilie Bourgeat, présidente des GFV Saint-Vincent. En contrepartie d’une détention conseillée de dix ans, le porteur de part perçoit un rendement annuel de 1 à 3 % servi sous la forme de bouteilles du Domaine.

Terres agricoles, l'avenir ?

C’est le foncier le moins à la mode. Pourtant, c’est celui qui serait, selon certains experts, le plus accessible et aussi le plus prometteur en termes de valorisation. Ces espaces fertiles deviendraient plus rares face à l’urbanisation croissante et à la multiplication des risques climatiques causés par la hausse de la température. De plus, « l’agriculture reste cruciale en matière de production de denrées alimentaires », rappelle Simon Bestel, co-fondateur et directeur général de Fermes en vie (FEVE), une entreprise de l’économie sociale et solidaire.

« Grâce à l’action des Safer qui régule le prix du foncier avec un possible droit de préemption sur les transactions, les terres agricoles françaises sont parmi les plus accessibles d’Europe avec un hectare de terres libres valant en moyenne 7.780 euros », souligne Benoît Léchenault. Pour en acheter en direct, mieux vaudra privilégier des grandes parcelles (50 hectares et plus) car rentables en termes d’économies d’échelle et plus faciles à revendre.

Un autre scénario consiste à participer financièrement à l’installation d’un jeune agriculteur. C’est l’offre de FEVE via sa foncière avec un ticket d’entrée à 500 euros. Cette entité achète entre 500.000 et 2 millions d’euros une ferme avec les terres et les bâtiments d’exploitation. Puis, elle la donne en location à un agriculteur qui démarre ou s’agrandit avec une option d’achat après sept ans. L’investisseur ne perçoit pas de rendement mais table sur un espoir de valorisation de la parcelle estimé à 3 % par an.

Des atouts fiscaux

Les actifs réels bénéficient d’une fiscalité incitative.

Forêts : « La transmission d’une forêt détenue en direct et via un groupement forestier dispose d’un des leviers fiscaux les plus importants en matière de donation ou de succession. En effet, un abattement de 75 % est appliqué sur la base imposable, sous respect de certaines conditions. », souligne Nicolo Acquari, ingénieur patrimonial chez Mirabaud. En cas d’imposition à l’ IFI , la forêt entre dans l’actif taxable après l’application d’un abattement de 75 % à certaines conditions.

En outre, les investissements forestiers réalisés jusqu’au 31 décembre 2025 ouvrent droit à un crédit d’impôt de 25 %, du montant de l’investissement pris en compte à hauteur de 6.250 euros pour une personne seule et 12.500 euros pour les couples soumis à imposition commune.

Terres agricoles : En cas de donation ou de succession, le calcul des droits afférents s’effectue après un abattement de 75 % sur la valeur des terres louées avec des baux à long terme, jusqu’à 300.000 euros en cas d’engagement de conservation pendant cinq ans ou jusqu’à 500.000 euros en cas de détention de dix ans et de 50 % au-delà de ces limites.

« En matière d’IFI, il est prévu une exonération partielle avec un abattement de 75 % jusqu’à 101.897 euros, puis de 50 % au-delà de ce seuil en cas de location avec un bail à long terme », précise Nicolo Acquari.

Vignes : « Elles peuvent être assimilées à des terres agricoles et bénéficier du même traitement fiscal en matière de transmission et d’IFI en cas de location avec un bail à long terme », ajoute Nicolo Acquari. Lorsqu’elles sont détenues par une société dont l’activité est agricole et commerciale (exploitation des vignes, commercialisation de vin), les titres de cette société peuvent, le cas échéant, bénéficier de l’abattement de 75 % du pacte Dutreil en matière de transmission.