Le volet assurance-vie et plan d’épargne retraite de la loi industrie verte entre en vigueur ce 24 octobre. Et ses dispositions ne sont pas sans conséquences sur notre épargne. Explications en 3 questions clés.
Par Marie-Eve Frenay – Les Echos
Un an après la publication de la loi industrie verte au Journal officiel, sonne l’heure de sa mise en application. Du côté des épargnants, certaines dispositions bousculent quelque peu les assurances-vie et les plans d’épargne retraite (PER). En effet, à partir du 24 octobre, certains contrats devront obligatoirement investir dans des actifs non cotés en Bourse. Focus en 3 questions clés sur les conséquences concrètes de l’entrée en vigueur de cette loi sur votre allocation.
1. Que change la loi industrie verte dans les contrats ?
Dans le prolongement des lois Macron de 2015 et Pacte de 2019, la loi industrie verte accroît la capacité des particuliers à s’exposer aux actifs non cotés. C’est-à-dire à des supports, en l’occurrence des unités de compte (UC), où l’épargne est investie dans des entreprises dont les titres ne sont pas inscrits et négociés sur un marché boursier public.
Il peut s’agir de financer ainsi les dépenses d’investissement de jeunes sociétés, des opérations de consolidation de PME ou encore des infrastructures liées au transport, aux réseaux de distribution et de traitement des eaux ou aux énergies renouvelables émanant d’entreprises privées ayant signé des partenariats avec les pouvoirs publics.
Concrètement, la loi industrie verte oblige les assureurs à loger dans les gestions pilotées des PER – le mode de gestion par défaut – et dans les mandats normés « équilibrés » et « dynamiques » des assurances-vie des supports non cotés dans une proportion qui dépend de l’horizon de placement et de l’appétence au risque de l’épargnant.
Ainsi, s’agissant de l’assurance-vie, au moins 4 % des versements sur les mandats « équilibrés » et 8 % pour les profils « dynamiques » devront être fléchés vers des fonds d’investissement alternatifs.
Pour les gestions pilotées « prudentes » des PER, le non-coté devra représenter au moins 2 % à 6 % des versements en fonction du temps séparant l’investissement du départ à la retraite. Pour les profils « équilibrés », les versements minimaux oscilleront entre 3 % et 8 %, contre une proportion de 5 % à 12 % dans les mandats « dynamiques ». La part de non-coté monte encore d’un cran dans les gestions « offensives » avec des versements de 6 % à 15 % requis.
Si ces obligations ne concernent que les nouvelles souscriptions et des mandats spécifiques, certains assureurs ont décidé de ne pas créer de nouveaux profils mais d’intégrer le non-coté dans leurs gestions pilotées existantes. C’est le cas de la MACSF. « Cela nous amène ce 24 octobre à réaliser de gros arbitrages sur nos profils d’assurance-vie et d’épargne retraite. On a fait ce choix car nous croyons beaucoup à l’intérêt de l’UC créée pour l’occasion », indique Roger Caniard, directeur financier du groupe MACSF.
2. Quels seront les types de supports proposés ?
A l’image de la diversité des supports accessibles dans l’assurance-vie et les PER (fonds actions, obligataires, monétaires, diversifiés, immobilier), les UC non cotées peuvent englober des classes d’actifs très différentes. Elles sont au nombre de quatre : le private equity (achats de parts de l’entreprise), la dette privée (financement obligataire), l’infrastructure et l’immobilier. Sachant que la primauté devrait être donnée aux trois premières classes d’actifs dans la mesure où de nombreux assurés sont déjà exposés à l’immobilier au travers des sociétés civiles de placement immobilier (SCPI). Les SCPI essentiellement investies sur l’immobilier d’entreprise (bureaux et commerces) traversent, qui plus est, une crise de liquidité depuis la remontée des taux d’intérêt.
Toutefois, ce n’est pas parce que cette obligation d’investissement fait partie de la loi baptisée industrie verte que les UC proposées serviront nécessairement à financer des énergies renouvelables ou la réindustrialisation de la France. « Le mot « vert » renvoie à l’obligation de prendre en compte les préférences des investisseurs en termes de durabilité. Cela ne concerne pas uniquement les supports investissant dans le non-coté qui intégreront leur assurance-vie et leur PER dans les prochains mois », explique Guillaume Edery, directeur de l’offre financière au sein de l’UFF. « Il n’y a pas d’obligation de fléchage à ce stade, confirme Grégoire Sentilhes, président de NextStage AM. Mais l’esprit, comme l’objectif de la loi industrie verte, est d’investir en equity, dans la réindustrialisation et la transformation environnementale, en France et en Europe », explique-t-il.
Autres caractéristiques des supports non cotés intégrés aux PER et aux assurances-vie : ils feront la part belle aux fonds «evergreen». Ils plus liquides que les fonds accessibles aux investisseurs traditionnels avec des fenêtres de sortie plus fréquentes. « A l’opposé des traditionnels fonds datés, les fonds « evergreen » sont des véhicules à capital permanent. Il n’y a pas d’appel de fonds à gérer et le capital n’est pas rendu par séquence à la fin de vie du fonds », ajoute Guillaume Edery.
« Quand nous avons commencé à nous intéresser aux fonds non cotés, nous avons décidé de nous tourner vers des supports toujours disponibles – un format connu par nos commerciaux experts et spécialistes du groupe -, c’est-à-dire de «l’evergreen» », explique Roger Caniard. Pour la création de son support spécial industrie verte, la MACSF s’est orientée sur une UC gérée par Andera Partners de dette privée mezzanine (NDLR :dette dont le remboursement est subordonné à celui de la dette dite senior) « sponsorless ». C’est-à-dire sans fonds d’investissement intervenant dans les opérations de financements. Ces opérations sont directement souscrites par le dirigeant pour renforcer sa position dans l’entreprise.
« Avec la dette privée, on peut compter sur les remboursements réguliers des prêts pour honorer les demandes de rachat. Il suffit de stopper les investissements et d’attendre que toutes les obligations du portefeuille arrivent à échéance pour que la poche de cash se reconstitue d’elle-même. Nous ne voulions absolument pas nous retrouver dans la situation actuelle de certaines SCPI où les demandes de rachat sont difficiles à honorer avec des bâtiments difficilement vendables si ce n’est à perte », détaille le directeur financier du groupe MACSF.
3. Quel est le rendement attendu du non coté dans le PER et l'assurance vie ?
« Les rendements des fonds « evergreen » oscillent entre 6 et 14 % nets de frais de gestion en fonction de la classe d’actifs, de la stratégie d’investissement ou des mécanismes de liquidité que le fonds utilise », indique Guillaume Edery. « Le capital investissement rapporte en moyenne sur le long terme davantage que les autres classes d’actifs, entre 13 et 14 %, contre 8 % pour le coté, ou encore 5 % pour l’immobilier », renchérit Grégoire Sentilhes, président de NextStage AM.
Ce gérant propose des unités de compte éligibles à l’assurance-vie investies dans le private equity, à l’image de NextStage Croissance, un fonds «evergreen» qui prend des participations au capital de PME et ETI technologiques. Sur les 12 derniers mois, cette UC a dégagé une performance nette de frais de gestion de 12,18 %, d’après le reporting à fin août, avec toutefois des années moins florissantes notamment en 2020 et 2021. Cette volatilité ne doit pas surprendre les investisseurs. Dans la mesure où le financement en non-coté arrive à une étape précoce d’un projet ou de la vie de l’entreprise, ces fonds seront en principe plus volatils que les supports cotés en Bourse.
Prudence toutefois sur les rendements importants qui peuvent être énoncés comme un standard s’appliquant à tous les investisseurs. « Sur le non coté, les chiffres sont un joyeux mélange », ironise Roger Caniard. Les rendements très élevés concernent généralement les fonds de private equity réservés à la clientèle institutionnelle. En effet, cette dernière, versant de plus gros tickets, supporte moins de frais que les particuliers. Et le mécanisme des appels de fonds présente l’intérêt pour les institutionnels d’investir leur argent au moment où le gérant en a véritablement besoin. Leur argent « travaille » donc tout le temps.
En mai dernier, France Invest, qui fédère les acteurs du capital-investissement, s’était penché sur la performance moyenne des UC exposées au non-coté. Il en ressortait que ces supports, lancés entre 2013 et 2021, dégageaient un rendement annuel moyen net de frais de gestion de 6,1 % par an, oscillant entre 5,3 % et 8,1 % pour le private equity, 6,2 % pour les fonds diversifiés et 5,6 % pour les supports de dette privée.
A titre d’illustration, avec son fonds de dette privée géré par Andera Partners, la MACSF vise un rendement de plus du double de celui de son fonds en euros. Au titre de 2023, son fonds en euros RES a rapporté 3,10 % à ses adhérents. « Le taux de rendement brut des opérations mezzanine «sponsorless» se situe autour de 12 % actuellement. Ce sont moins les frais qui abaissent le rendement servi aux épargnants que la poche de liquidités et l’investissement progressif du cash dans les opérations de financement », explique Roger Caniard.