Malgré la suppression de la taxe d’habitation, les contribuables ont le sentiment que leurs impôts ont augmenté depuis 2017, d’après un sondage réalisé par OpinionWay pour « Les Echos » et « Le Conservateur ». Ils jugent certaines taxes trop élevées.
Par Krystèle Tachdjian – Publié le 15/04/2024 – Les Echos
Des voix se font entendre pour rouvrir le débat sur la fiscalité alors que la situation budgétaire se tend. Bercy anticipe désormais un déficit public de 5,1 % du PIB en 2024, et cherche encore 10 milliards d’euros d’économie cette année, en plus des 10 milliards déjà annoncés en février. Et il est déjà avéré que la promesse d’Emmanuel Macron d’une baisse d’impôts de 2 milliards d’euros pour les classes moyennes « dans ce quinquennat » ne pourra pas être tenue en 2024.
A l’approche du scrutin européen de juin, le gouvernement continue de marteler qu’il n’augmentera pas les impôts, rappelant que la France est le pays aux prélèvements obligatoires les plus élevés. Chantre de la stabilité fiscale, l’exécutif entend pour l’instant manier avec précaution ce sujet très sensible auprès de l’opinion publique.
La hausse de la taxe foncière passe mal
Un récent sondage réalisé par OpinionWay (détenu par le Groupe Les Echos – Le Parisien) pour « Le Conservateur » et « Les Echos » (1) montre qu’une large part des Français ont déjà le sentiment que la pression fiscale est plus forte depuis 2017 et que certains impôts sont trop élevés.
57 % des personnes interrogées estiment que les impôts ont augmenté depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron à l’Elysée. 30 % jugent qu’ils sont restés stables, et seulement 10 % pensent qu’ils ont baissé. 3 % ne savent pas. Ce constat pourrait notamment s’expliquer par la hausse de la taxe foncière, qui a pesé sur le budget des ménages et sur laquelle le gouvernement n’a pas la main.
La taxation sur les successions et les donations arrive en tête des impôts jugés trop élevés (c’est le cas pour environ 7 personnes sur 10), devant les impôts locaux (6 personnes sur 10) et l’impôt sur le revenu (la moitié des sondés).
Seuls 17 % des Français interrogés se prononcent en faveur d’un allègement de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI). Ces derniers demandent en particulier la mise en place de mesures d’allègement concernant la résidence principale. La suppression de l’impôt sur la fortune (ISF) et son remplacement en 2018 par l’IFI ont été l’une des premières décisions phares d’Emmanuel Macron. Mais pour plus de la moitié des personnes interrogées (55 %) cette « évolution » a été « négative ».
7 % des répondants au sondage déclarent être redevables de l’IFI. Dans un rapport récent, la Cour des comptes rappelle que l’IFI reste un impôt assez marginal. En 2022, il a concerné quelque 164.000 foyers fiscaux, alors que l’ISF représentait quasi deux fois plus d’assujettis dans sa dernière année (358.000).
Pression fiscale mal connue
Les contribuables semblent avoir des idées assez tranchées en matière de fiscalité. Reste qu’une bonne partie d’entre eux a une mauvaise connaissance de la réalité de la pression fiscale subie.
Moins d’une personne sur deux (47 %) connaît son taux moyen d’imposition sur le revenu, alors même qu’une majorité de contribuables indique avoir opté pour un taux d’imposition personnalisé lors de la dernière déclaration de revenus.
Plus de trois Français sur quatre ne savent pas quelle est la tranche marginale d’imposition (TMI) qui s’applique à leurs revenus (0 %, 11 %, 30 % ou 45 % ). A peine plus du quart des personnes qui connaissent leur propre tranche marginale sont capables de citer celle des plus riches. Plus du tiers croit qu’elle est de 40 % ou moins alors qu’elle grimpe à 45 %.
De manière générale, la fiscalité applicable aux ménages les plus aisés comporte de nombreuses zones d’ombre pour la majorité des Français. La contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (CEHR) est connue de seulement 37 % des Français. Un score faible mais qui peut paraître honorable étant donné le peu de battage autour de cette taxe en vigueur depuis 2012, et qui ne concerne qu’une poignée de contribuables.
La plupart des sondés pensent que le taux de cette taxe supplémentaire est supérieur à 5 %. Or cette taxe qui s’ajoute à l’impôt sur le revenu s’élève à 3 % pour les revenus supérieurs à 250.000 euros (pour une personne seule), et à 4 % au-delà de 500.000 euros.
Deux Français sur trois
Le fait de pouvoir bénéficier d’un avantage fiscal est jugé important pour près de deux Français sur trois lorsqu’ils choisissent un placement financier. Paradoxalement, seuls 15 % des répondants considèrent les niches fiscales (crédit d’impôt pour emploi à domicile, investissement locatif, etc.) comme utiles à la réduction de la pression fiscale. Ils y voient pourtant avant tout une façon de réduire légalement l’impôt (24 %) et un moyen d’encourager les investissements dans certains domaines (20 %). A l’inverse, un quart des personnes interrogées considère que ces avantages procurés sous forme de réduction ou de crédit d’impôt sont nuisibles car ils réduisent les recettes fiscales de l’Etat.
Moins d’un tiers des répondants (27 %) déclare posséder un produit permettant de réduire sa fiscalité. Si l’on prend en compte les personnes ayant réalisé ce type de placement, un sur deux (47 %) indique détenir plan d’épargne retraite (PER). Viennent ensuite, loin derrière, l’investissement locatif en loi Pinel, qui s’éteindra fin 2024, puis les dispositifs Malraux (travaux de restauration d’immeubles) et Denormandie (réduction d’impôt si vous réalisez un investissement locatif dans l’ancien).