Retraites : ce qui change avec la nouvelle réforme

C’est un sujet qui concerne tout le monde. Et il y a une grande angoisse autour de ce sujet pour beaucoup de français. Les sondages d’opinion sur la retraite démontrent que plus de 70% des français sont persuadés qu’ils n’auront pas une retraite suffisante pour vivre. Il y a donc une défiance naturalisée sur toutes les réformes concernant ce sujet. 

Par Valérie Mazuir – Publié de le 31/08/2023 – Mis à jour le 01/09/2023

Report de l’âge légal à 64 ans, durée de cotisation, pension minimum, carrières longues, pénibilité, régimes spéciaux… tour d’horizon des mesures clés de la nouvelle réforme des retraites qui entre en vigueur ce 1er septembre.

Après l’intense bras de fer entre l’exécutif, les syndicats et les partis d’opposition, la contestée réforme des retraites entre officiellement en vigueur ce vendredi 1erseptembre2023. Depuis la promulgation de la loi mi-avril, administrations et caisses de retraite ont dû mettre les bouchées doubles pour rédiger, intégrer ou transcrire les nouvelles règles du jeu.

« Nous sommes prêts », assure le ministre du Travail, Olivier Dussopt. « Nous avons publié l’intégralité des décrets nécessaires », et les quelques textes manquants ne doivent s’appliquer qu’en « 2024, 2025 », explique-t-il. Le directeur général de la Caisse nationale d’assurance-vieillesse (CNAV), Renaud Villard, se dit, lui aussi, « serein » et assure qu’« il n’y a pas de retard à craindre » sur les versements.

Engagée pour « ramener le système à l’équilibre » d’ici à 2030, cette réforme emblématique du second quinquennat d’Emmanuel Macron s’est heurtée à l’un des plus longs mouvements sociaux des dernières décennies. Manifestations record, grèves, blocages, « casserolades » et cortèges « sauvages » ont rythmé l’hiver. Entre 1,28 et 3,5 millions de personnes ont défilé le 7 mars, au plus fort du mouvement.

L’adoption de la réforme au Parlement, via une procédure 49.3, n’a pas amélioré l’adhésion des Français majoritairement opposés au projet gouvernemental.

LES POINTS CLEFS DE LA REFORME :

Dès ce 1er septembre 2023, l’âge légal de départ passe donc à 62 ans et trois mois pour les personnes nées à partir du 1er septembre 1961 ; puis sera progressivement décalé de trois mois chaque année, pour atteindre 64 ans en 2030.

La réforme comprend aussi l’allongement à 43 ans dès 2027 de la durée de cotisation pour accéder au taux plein, l’extinction de la plupart des régimes spéciaux, et crée de nouveaux droits, concernant notamment le cumul emploi-retraite ou les carrières longues.

Certaines petites pensions sont revalorisées, de 100 euros par mois maximum, pour les nouveaux retraités et 1,7 million de retraités actuels.

· Age de départ

L’âge légal de départ en retraite est relevé progressivement de 62 à 64 ans, en fonction de l’année de naissance, au rythme de 3 mois par année à partir de la génération née en 1961. Il est ainsi porté à 62 ans et trois mois pour les personnes nées à partir du 1er septembre 1961, 63 ans pour celles nées en 1964 ou encore 64 ans pour les personnes nées en 1968.

Les travailleurs handicapés pourront partir en retraite à partir de 55 ans. L’âge de départ à taux plein est fixé à 62 ans pour les invalides.

· Durée de cotisation

Pour obtenir une pension « à taux plein » (sans décote), la durée de cotisation requise passera de 42 ans (168 trimestres) actuellement à 43 ans (172 trimestres) d’ici à 2027, au rythme de 1 trimestre par an. Cet allongement était prévu par la réforme Touraine de 2014, mais sur un calendrier moins resserré.

L’annulation de la décote reste maintenue à 67 ans pour ceux qui n’ont pas tous les trimestres requis.

· Mères de famille

Le montant de la pension de certains parents sera majoré. Cette surcote concerne les mères – et les pères – qui ont atteint une durée d’assurance complète (43 annuités à partir de 2027) un an avant l’âge légal de départ à la retraite (64 ans pour les personnes nées à partir du 1er janvier 1968) et qui bénéficient d’au moins 1 trimestre de majoration au titre de la maternité, de l’adoption ou de l’éducation de l’enfant.

Leur pension de retraite de base pourra ainsi être augmentée d’1,25 % par trimestre supplémentaire travaillé entre 63 et 64 ans, de 2,5 % pour deux trimestres et jusqu’à 5 % pour une année entière.

Cette mesure est censée amortir le choc du report de l’âge légal qui va faire perdre à nombre de mères de famille une grande partie du bénéfice des trimestres acquis au titre de la maternité.

La majoration de pension pour enfants est étendue aux professionnels libéraux et aux avocats.

· Petites pensions

La retraite ne peut pas être inférieure à un montant minimum pour une carrière complète. À compter du 1er septembre, ce montant est porté à 848 euros brut pour une carrière complète.

Cette revalorisation est indexée non plus sur l’inflation mais sur le SMIC (afin de garantir 85 % du SMIC à la retraite pour un salarié payé au SMIC et ayant eu une carrière complète), et est attribuée au prorata pour chaque assuré, soit 100 euros mensuels pour les carrières complètes et moins pour les autres.

La revalorisation concernera « 200.000 retraités chaque année, soit environ un départ sur quatre » selon le ministère.

Pour les retraités actuels, la revalorisation des faibles pensions concernera 1,7 million de retraités. Avec une mise en oeuvre dès l’automne 2023 pour 700.000 d’entre eux et à partir du printemps 2024 pour les autres, le temps pour les caisses de retraite de recalculer leurs droits (avec effet rétroactif à septembre).

· Pénibilité

La réforme renforce les droits associés au compte pénibilité, prévu pour les salariés exposés à certaines conditions de travail pénibles, comme le travail de nuit, au chaud, au froid ou dans le bruit. Le compte de pénibilité peut désormais être utilisé pour financer un congé de reconversion professionnelle.

D’autres critères comme le port de charges lourdes, les postures pénibles et les vibrations mécaniques sont pris en compte au moyen d’un nouveau « fonds d’investissement dans la prévention de l’usure professionnelle ».

Chez les fonctionnaires, les « catégories actives » (policiers, pompiers, aides-soignantes…) conservent leur droit à un départ anticipé.

· Carrières longues

Après des heures de débat à l’Assemblée sur ce sujet, la réforme élargit les conditions d’accès au dispositif des carrières longues, permettant à ceux qui ont commencé à travailler tôt de bénéficier d’un départ en retraite anticipé.

Avant la réforme, un début de carrière avant 20 ans pouvait permettre un départ anticipé de deux ans, et une entrée dans la vie active avant 16 ans pouvait donner droit à une retraite anticipée de quatre ans. Ce dispositif prévoit désormais deux nouvelles bornes d’âge : ceux qui ont commencé à travailler entre 20 et 21 ans pourront partir un an plus tôt, à 63 ans ; ceux qui ont débuté avant 20 ans pourront partir deux ans plus tôt, soit 62 ans ; ceux qui ont commencé avant 18 ans pourront faire valoir leur droit à la retraite quatre ans plus tôt, soit 60 ans ; et ceux qui ont démarré avant 16 ans, six ans plus tôt soit 58 ans.

La durée minimale de cotisations est fixée à 43 ans cotisés pour toutes les carrières longues.

· Régimes spéciaux

Dans un souci d’équité entre les salariés, la plupart des régimes spéciaux existants sont fermés, en respectant ladite « clause du grand-père ». Autrement dit, à partir du 1er septembre 2023, les nouveaux embauchés de la RATP, des entreprises de l’industrie électrique et gazière (IEG), de la Banque de France, du Conseil économique social et environnemental ou encore les clercs et employés de notaire seront affiliés au régime général.

Ceux qui sont déjà dans un de ces régimes spéciaux peuvent continuer de bénéficier du statut. Ils voient cependant leur âge de départ en retraite décalé de deux ans. Même si cela se fait à partir de bornes d’âge plus basses que celles en vigueur pour la majeure partie des salariés pour nombre d’entre eux.

· Retraite progressive

La réforme assouplit les conditions d’accès à la retraite progressive. Ce mécanisme permet aux travailleurs proches de la retraite de limiter leur activité professionnelle à temps partiel tout en touchant une partie de leur pension tous les mois. On estime que 500.000 personnes bénéficient de ce mécanisme.

L’ensemble des travailleurs peuvent y avoir recours, en particulier les fonctionnaires, alors qu’il était jusqu’à maintenant réservé aux salariés du privé, artisans et commerçants. Du côté des salariés, il devient aussi plus facile de demander cet avantage, car l’entreprise doit expressément justifier son choix si elle refuse que son salarié se mette à temps partiel pour cumuler emploi et retraite.

Les décrets actent le cumul de droits à la retraite supplémentaires pendant la durée de la période de préretraite. Jusqu’à maintenant, la période de cumul emploi retraite donnait lieu à des cotisations mensuelles sans amélioration de la pension de retraite par la suite.

· Rachat de trimestres

Le rachat de trimestres permet à un assuré de verser volontairement des cotisations afin que des périodes au cours desquelles il n’a pas cotisé soient prises en compte par l’assurance-retraite.

Il est désormais possible de racheter à prix réduit des trimestres au titre d’un stage rémunéré en entreprise jusqu’au 31 décembre de l’année de ses 30 ans. Le rachat à coût réduit de trimestres au titre des études supérieures peut s’effectuer jusqu’au 31 décembre de l’année de ses 40 ans.

· Orphelins

A l’image de ce qui existe déjà pour certains régimes de fonctionnaires, les enfants d’un assuré du régime général ont désormais droit à une pension pour chaque parent décédé.

La pension d’orphelin peut être perçue jusqu’à 25 ans sous condition de ressources, notamment pour les étudiants et sans limite d’âge pour les orphelins souffrant d’un handicap supérieur à 80 % avant leurs 21 ans.

UN PARCOURS PARLEMENTAIRE CHAOTIQUE

Ce projet de réforme des retraites, avait été dévoilé le 10 janvier 2023 par la Première ministre, Elisabeth Borne, après quelques mois de concertations menées avec les partenaires sociaux et les forces politiques.

L’exécutif avait décidé d’aller vite. La réforme, présentée en Conseil des ministres le 23 janvier, a été examinée au Parlement en février et mars via un projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale, un véhicule législatif souple qui lui a permis de limiter les débats dans le temps.

Après des semaines de débats acharnés et de tractations sous haute tension, la commission mixte paritaire (CMP) qui réunissait le 15 mars députés et sénateurs s’est mise d’accord sur un texte commun . Le Sénat a confirmé son vote positif le 16 mars, ce qui ne faisait guère de doute. En revanche, l’exécutif n’étant pas certain d’avoir une majorité à l’Assemblée, Elisabeth Borne s’est résolue à dégainer l’article 49.3 de la Constitution qui permet une adoption sans vote. Les deux motions de censure déposées contre le gouvernement ayant été rejetées – l’une à seulement 9 voix près -, la réforme a été définitivement adoptée.

La réforme a ensuite passé le cap décisif du Conseil constitutionnel, qui a validé le 14 avril l’essentiel du texte. Sans grande surprise, l’institution a censuré plusieurs « cavaliers sociaux » qui « n’avaient pas leur place » dans une loi de nature financière. Parmi ceux-ci : l’index sur l’emploi des seniors qui devait être obligatoire dès cette année pour les entreprises de plus de 1.000 salariés. Egalement censuré, le CDI seniors, un ajout des sénateurs de droite, qui devait faciliter l’embauche des demandeurs d’emploi de longue durée, de plus de 60 ans.

Quelques heures après cette validation, Emmanuel Macron a promulgué la loi, qui a été publiée le 15 avril au « Journal officiel ». « Les évolutions prévues […] entreront en vigueur progressivement à partir de cet automne », a indiqué le chef de l’Etat, lors d’une allocution télévisée le 17 avril.

Une course contre la montre a alors été lancée pour que la réforme puisse bien entrée en vigueur comme prévu dès le 1er septembre 2023. Les décrets sont parus au compte-gouttes au fil de l’été.

 

 

Valérie Mazuir (avec agences et servicepublic.fr)